Extrait de l’hebdomadaire « Syndicalisme hebdo » n°3901 :
Spectaculaire percée CFDT chez Axione
En une mandature, un trio de militants a su propulser la CFDT au rang de première organisation syndicale chez Axione, filiale de Bouygues de 3 000 salariés spécialisée dans l’aménagement numérique des territoires. Contre vents et marées, dans un contexte compliqué, l’équipe a réussi une implantation solide, porteuse de nombreuses avancées.
Ils ont à la fois des qualités de sprinters et de marathoniens – rares talents qui conjuguent rapidité, efficacité et travail de fond sur le long terme. Et c’est cela qui impressionne quand on rencontre Maeva B., Julien L. et Simon M., un trio de trentenaires délégués syndicaux CFDT d’Axione (une filiale de Bouygues spécialisée dans la conception, la réalisation et l’installation numérique dans les territoires). Grâce à leur travail acharné, la CFDT a réussi son implantation lors des élections professionnelles en 2019 (avec 14 % des suffrages) avant de gagner le rang de première organisation syndicale aux élections professionnelles de novembre 2023 avec 46 % des voix.
C’est une réelle prouesse quand on connaît le contexte : un éparpillement géographique des 3 000 salariés sur 50 sites partout en France (le principal étant le siège à Malakoff, en banlieue parisienne, qui rassemble 500 collaborateurs), pas ou peu de temps ni de moyens syndicaux pour se déplacer et, surtout, deux autres OS qui n’ont de cesse de leur mettre des bâtons dans les roues. D’autres auraient renoncé ; pas eux.
Novices en syndicalisme, au départ…
Remontons le fil de l’histoire. Quelques mois avant les élections de 2019, le climat au sein de l’entreprise – qui ne compte alors qu’un millier de salariés – est morose. Le syndicalisme vivote, engourdi du fait de l’inaction des deux organisations syndicales présentes, FO et CFTC. « Tout était très opaque. Il n’y avait pas de communication en direction des salariés. Nous ne recevions les procès-verbaux des instances représentatives du personnel que quatre ou cinq mois après leur tenue », se souvient Simon, responsable de production d’études FTTH (fiber to the home, fibre optique jusqu’au domicile, en français).
Côté conditions de travail, ce n’est pas non plus la panacée : pas ou peu de télétravail, pas de PC portables, pas de flexibilité permettant d’organiser son travail, perte des titres-restaurant… C’est ainsi qu’à l’été 2019, la perspective des élections approchant, un adhérent décide de secouer le cocotier et de monter une liste CFDT. « Anthony [qui a quitté la société depuis] nous a embarqués dans l’aventure, raconte Simon. En trois mois, on a tout fait : monter une liste, implanter la section, mener la campagne électorale… » Au soir de la déclaration des résultats, leurs 14 % constituent une belle récompense. « D’autant plus que nous étions complètement novices en matière de syndicalisme. Même dans l’entreprise, nous n’avions chacun qu’à peine deux ans d’ancienneté. On ne connaissait pas grand monde ! »
Un véritable vent de renouveau
Bien que pratiquement sans expérience, et tout en restant syndicat minoritaire, l’équipe CFDT commence à se faire remarquer et à faire sa place. « À chaque réunion, on arrivait toujours avec de nouvelles idées. Et pour chaque négociation, c’était pareil : on bossait et on apportait des propositions », précise Maeva, qui, dès les élections, a rejoint Simon et Julien. Un vent de renouveau revivifie le dialogue social. « Ce que nous voulions, c’est être constructifs, renouveler les méthodes avec plus de transparence et d’implication des salariés, mais aussi apporter de nouveaux services aux collaborateurs », explique Simon. Pendant la mandature 2019-2023, le trio va d’ailleurs être à l’initiative de nombreux nouveaux acquis. Ils obtiennent ainsi un accord de télétravail plus avantageux, des mesures de mobilité douce (aide à l’achat d’un vélo et indemnités kilométriques à hauteur de 700 euros), une augmentation du budget des ASC1, de la participation et de l’intéressement (celui-ci est passé de 900 à 1 400 euros entre 2022 et 2023), ou encore obtiennent la signature d’un partenariat avec un réseau de crèches afin que les salariés aient accès à des berceaux réservés. « On nous avait dit que c’était impossible, alors nous avons travaillé sur la cartographie des besoins, évalué les besoins de financement et répertorié les aides auxquelles l’entreprise pouvait avoir droit… et nous sommes revenus à la charge. Résultat : nous avons obtenu douze berceaux la première année et vingt depuis ! », explique Julien.
1. Activités sociales et culturelles.
Impliquer, déléguer, valoriser
Le trio sait également communiquer et valoriser ce qu’il a pu obtenir. Site internet, newsletter, consultations régulières des salariés : en matière de communication, les délégués syndicaux CFDT d’Axione ont su renouveler les méthodes et les pratiques. À la fin 2022, une année avant les élections professionnelles, l’équipe s’est mise en ordre de marche : rétroplanning définissant l’ensemble des tâches à accomplir, répartition des rôles et cartographie des agences avec repérage des salariés à contacter en vue de constituer les listes… Tout est rigoureusement organisé. Cependant, l’éparpillement géographique des sites complique l’affaire, et le peu de moyens syndicaux oblige le trio à mener les discussions par visioconférence. « Cela nous a pris énormément de temps et d’énergie pour monter les listes. Avec chaque candidat pressenti, on passait entre une et deux heures pour tout expliquer », affirme Julien. « D’autant plus que l’idée n’était pas de trouver des gens pour simplement mettre des noms sur les listes. Nous souhaitions trouver des personnes motivées, qui avaient envie de s’impliquer », ajoute Maeva.
Finalement, la moisson sera fructueuse : « Nous avons trouvé plus de 50 collaborateurs dans 30 agences et 32 métiers différents », indique Simon. Ces collaborateurs seront d’ailleurs associés à la conduite de toute la campagne électorale, selon une méthode de « gestion décentralisée ». « Nous savions qu’on ne pourrait pas tout faire tous seuls. Il fallait déléguer. Mais c’était aussi une façon de leur donner des responsabilités, de les impliquer. » Guy Contrastin, du Syndicat Télécoms Prestataires d’Île-de-France, est venu leur prêter main-forte dans le cadre de la négociation du PAP2.
2. Protocole d’accord préélectoral.
Quand les militants orange occupent le terrain
Dans les dernières semaines de la campagne électorale, tout le monde est à la manœuvre et « occupe le terrain » : actions de visibilité (distributions de tracts ou de goodies), réalisation d’une vidéo mise en ligne sur leur site internet, organisation d’un petit déjeuner au siège de l’entreprise ou actions diverses avec l’appui des syndicats un peu partout en France… Tout avait été pensé pour remporter le sprint final. En passant la ligne d’arrivée avec 46 % des voix – et vingt-trois élus au lieu de six qui siègent dans les instances –, Axione a réussi une très belle course. Déjà, ils se préparent pour la suite, avec de nouvelles propositions visant à améliorer continuellement le quotidien des salariés.
Par Emmanuelle Pirat– Journaliste – Publié le 19/12/2023 à 14h00
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